Entrer dans le monde de la souffrance psychique est une expérience complexe, délicate et exigeante, et la représenter à travers la photographie l’est encore plus. Qui sont les « fous » aujourd’hui ? Que ressentent-ils ? Pour répondre à ces questions, j’ai dû m’immerger dans leur réalité. Leurs gestes et leurs regards sont perdus dans un monde intérieur, un monde souvent coupé de leur environnement qu’ils perçoivent comme hostile voire effrayant, un monde qui peut les conduire à l’autodestruction.

J’ai choisi de commencer mon travail par l’Afrique. C’est un continent où les pathologies mentales sont reconnues depuis peu de temps, et il est difficile de savoir combien de personnes en souffrent et où elles vivent. Elles errent souvent dans les rues des mégapoles ou restent cachées dans un village retiré. Les troubles mentaux sont encore souvent perçus comme un mal non humain, surnaturel, parfois dangereux. C’est le cas dans les pays du nord-ouest de l’Afrique (Bénin, Togo, Côte d’Ivoire), où les sorciers vaudous des villages attachent les malades mentaux aux arbres car ils considèrent que ce sont des démons. Heureusement, il existe des gens formidables comme le missionnaire Grégoire Ahongbonon qui depuis vingt ans tente de leur rendre leur dignité dans les centres d’accueil qu’il a fondés.